Le siaes est un syndicat d'enseignants académique indépendant et de proximité, à votre service. l'adhésion est la moins onéreuse de tous les syndicats de l'éducation nationale.
Courrier du S.I.A.E.S. n° 32
-
14 mars 2007 -
En guise
d'ÉDITORIAL , compte rendu du Congrès du S.I.A.E.S.
Le S.I.A.E.S. a tenu son
congrès annuel le 20 février 2007 à Cabriès, réunissant un peu plus de 80
personnes dont une soixantaine ont participé au repas. Une nouvelle fois ce
congrès a marqué la vitalité du S.I.A.E.S. et a été l'occasion de rencontres et
d'échanges, en particulier avec de nombreux nouveaux adhérents.
Un des points majeurs des discussions ayant porté sur la situation dans les
établissements et la dégradation des conditions de travail il a été décidé de
consacrer un dossier sur la " Violence " dans le présent Courrier.
Compte rendu d'activités.
Jacques Mille indique que les publications du S.I.A.E.S. (Lettres et
Courriers) et le site Internet (www.siaes.com) relatent régulièrement l'activité
du syndicat. Pour l'essentiel on retiendra qu'après les bons résultats
électoraux de 2005 le S.I.A.E.S. est plus que jamais bien positionné comme le
second syndicat de l'académie pour les professeurs des lycées et collèges ( hors
LP ), y compris en EPS, discipline dans laquelle on a enregistré de nombreuses
nouvelles adhésions.
La reconnaissance est aussi ministérielle, via le SIES et la CAT. Elle s'est
traduite par l'attribution de décharges complètes, ce que nous réclamions depuis
des années, et la participation à deux audiences au Ministère (comptes rendus
sur le site du SIES
www.le-sies.com. Peut être faut-il voir là une compensation au refus - peu
glorieux pour le Ministère - des listes nationales présentées par le SIES aux
élections de 2005 ?
Sur le plan académique le S.I.A.E.S., avec ses élus et ses représentants, a
participé, comme il se devait et activement, à toutes les réunions (CAPA, FPMA,
GT) tenues au Rectorat. Outre le Recteur (cf
CR d'audience in Lettre n° 31 du 27 janvier 2007) , le S.I.A.E.S. a
rencontré à de fréquentes reprises les responsables de l'administration
académique, en particulier ceux de la DIPE ( M.Bourdageau, puis Mme Brioude
depuis la rentrée 2006 ) pour exposer ses points de vue, faire des propositions
et traiter des cas particuliers.
Les interventions au Rectorat sont en constante augmentation, signe de la
multiplication des "problèmes" concernant les professeurs. Certains, mineurs,
vite réglés; d'autres, plus graves, nécessitant plus de temps et parfois même un
"accompagnement" des intéressés lorsque sont en jeu des situations impliquant
élèves, parents, voire administration elle-même.
Pour son fonctionnement le S.I.A.E.S. a intégré à son bureau des jeunes
collègues actifs et dynamiques (Jean Luc Barral pour l'EPS , Jean Baptiste
Verneuil et Virginie Voirin), a développé son outil informatique, tenu des
bureaux plus fréquents et amélioré ses relations avec la presse. Un effort
particulier a été engagé pour mettre en place des correspondants d'établissement
(S1) et diffuser plus rapidement les informations (tracts en particulier)
L'action en direction des TZR a été poursuivie et amplifiée. Grâce à notre
persévérance le S.I.A.E.S. a obtenu qu'il n'y ait pas d'affectation de TZR à
l'année (AFA) en zone limitrophe, hors volontariat. Des tournées dans les
établissements ont également été entreprises et seront poursuivies pour mieux
faire connaître le S.I.A.E.S. Une action ciblée en direction des stagiaires
IUFM, dont plusieurs nous ont rejoints, a été conduite à la rentrée.
Enfin , comme on a pu le constater, le S.I.A.E.S. s'est pleinement engagé dans
la défense du métier et des personnels, dans le cadre de l'Intersyndicale
académique, à propos de la modification des statuts de 1950 et pour la
revalorisation des traitements, d'où l' appel à participer à deux grèves et aux
manifestations concomitantes où banderoles et drapeaux du S.I.A.E.S. ont été
bien visibles.
Approbation à l'unanimité.
Compte rendu financier.
René Garcin expose que l'année 2005 - 2006 s'est soldée par un déficit.
L'explication est à rechercher dans les dépenses exceptionnelles liées à la
propagande en vue des élections de décembre 2005. Compte tenu des réserves ce
déficit n'a rien d'inquiétant et a été rapidement épongé par les rentrées de
cotisations 2006-2007, laissant apparaître à la date du congrès un solde positif
provisoire très encourageant.
De nouvelles adhésions ont été enregistrées, mais le trésorier déplore des
retards obligeant à des rappels (coût d'un rappel = 1 euro) alors que le montant
des cotisations reste modeste.
Les principales dépenses sont relatives au tirage et au routage - presse (payé
au gramme près !) des Courriers (37 %) ainsi qu' au tirage et à l'envoi sous pli
des Lettres (15 %). Viennent ensuite les frais de déplacements (16 %) et les
frais de communications téléphoniques et Internet (9 %).
Compte tenu 1 ) des coûts croissants des frais d'envoi , 2 ) des efforts en
cours et à venir en matière de propagande , 3 ) de la nécessité de constituer
une réserve pour les élections de 2008, le bureau propose à l'assemblée une
augmentation des cotisations à compter de la rentrée 2007. Aucune augmentation
n'a été effectuée depuis 2004. La hausse de référence retenue sur la période a
été celle du prix du timbre , soit 8 %. La proposition d'augmentation est une
moyenne de 6, 8 %, modulée en fonction du corps et de l'échelon selon la
fréquence des "services" demandés. La nouvelle grille sera publiée dans le
prochain journal.
Compte rendu financier et augmentation des cotisations adoptés à l'unanimité.
Sujets à l'ordre du jour.
Remplacements de courte durée. J.M. rappelle la position du S.I.A.E.S. :
refus de l'obligation, accord pour le volontariat.
Le S.I.A.E.S. avait fait appel au Conseil d'Etat contre le décret ( comme le
SIES , le SAGES et le SNES ). Par décision du 27 janvier 2007 le CE a jugé le
décret conforme, donc pleinement applicable .
A notre connaissance ces remplacements s'effectuent de façons très diverses
selon les établissements, sur la base du volontariat. Dans quelques cas cela a
entraîné des tensions entre professeurs, allant jusqu' à la mise à l'index des
volontaires, voire à des menaces. Nous avons saisi le Recteur et le Ministre sur
un cas précis de ce type ( affaire en cours ). Il nous a par ailleurs été
confirmé que la limite des 60 heures/année ne s'appliquait qu'aux professeurs
non volontaires, désignés par le chef d'établissement, et que la dotation des
établissements serait abondée en fonction des besoins.
Décrets sur les obligations de service. J.M. indique que ces décrets , désormais
publiés, sont applicables dès la rentrée. Les DGH ont été établies ( avant
publication ! ) sur ces nouvelles bases : suppression de l'heure de première
chaire en Première et pour les disciplines non obligatoires au baccalauréat,
suppression des décharges pour les cabinets et laboratoires, ainsi que, sous
conditions, pour les forfaits d' AS en EPS, compléments de service sur 2 ou 3
établissements, bivalence. Et , en contrepartie, attribution d'heures pour "
activités autres que d'enseignement " au gré des choix des établissements.
Le S.I.A.E.S. a pris position sur ce sujet ( cf Lettres n° 30 et 31 des 11
décembre 2006 et 27 janvier 2007 ). D'ores et déjà la mise en œuvre de ces
décrets a suscité remous et protestations dans les collèges et les lycées, ainsi
que chez les professeurs d' EPS, très durement et souvent injustement touchés.
Le mouvement doit reprendre après les vacances . Le S.I.A.E.S. a participé
jusqu'ici à l'action intersyndicale dans l'académie. La question posée à
l'assemblée est de savoir si l'on doit continuer , et sous quelles formes ?
Si l'avis de poursuivre l'action ( à condition que celle-ci soit bien ciblée sur
les aspects négatifs de décrets ) est quasi unanime, les avis sont très partagés
sur les modes d'action . Unanimité pour refuser toute nouvelle grève d'un jour.
Au delà les propositions fusent : participation à des manifestations le mercredi
après-midi ou le samedi, actions sur le bac et le brevet blancs, actions
administratives ( mentions sur les bulletins trimestriels, rétention de notes,
participation muette aux conseils de classe, faire passer tout le monde pour
faire exploser les statistiques de réussite ) , journée de la bivalence, blocage
de péages…
En tout état de cause il faudra s'en remettre à des actions majoritaires dans
les établissements pour avoir quelque espoir de réussite. De plus le contexte
pré-électoral suscite interrogations : avantage ( pression ) ou inconvénient (
récupération politique ) ?
Traitements. La revendication sur les salaires doit être inscrite dans nos
demandes, car l'érosion du pouvoir d'achat des professeurs est une évidence.
Remarques sur les propos de M. Copé : les 4100 € du certifié en fin de carrière
! Un intervenant fait observer qu'à suivre une candidate le professeur débutant
sera bientôt payé au niveau du SMIC !
Temps de travail. La revendication est aussi d'actualité quand chacun constate
que son temps de travail n'a cessé d'augmenter ces dernières années, sans
contreparties financières, et que les professeurs ont été les grands oubliés de
la RTT. De l'avis général la multiplication des réunions à tout propos ( au
fait, lesquelles sont obligatoires ? ) y est pour beaucoup, et les 35 heures
sont souvent dépassées.
Conditions de travail. J.M. souligne la montée des appels " au secours " de
professeurs concernés ( victimes ) de faits de violence dans, ou aux abords, des
établissements. Par ailleurs les médias se font presque quotidiennement l'écho
de tels faits. De nombreux intervenants confirment ce phénomène, pour le
connaître dans leur établissement, sinon l'avoir vécu ou le vivre eux-mêmes.
Cela va de l'indiscipline généralisée à des actes plus graves d'atteintes
verbales, voire physiques aux personnels. On rappelle que tout professeur, en
tant que fonctionnaire, peut porter plainte pour " outrage à personne chargée
d'une mission de service public ". Trop peu le font. Et les chefs
d'établissement répugnent souvent à soutenir les plaintes, comme à signaler les
faits de violence par crainte de "stigmatisation ".
Discussion. Faut-il médiatiser la violence en milieu scolaire ? On sait
l'hostilité de certains syndicats à le faire, comme à faire appel à la
répression… sauf quand un des leurs est concerné ! Décision d'un dossier "
Violence" ( cf. page 4 à 11 ).
Autres sujets abordés : PPRE, Aide individualisée, postes Ambition réussite,
Conseil pédagogique ( il semblerait que certains établissements ignorent jusqu'à
son existence ! ), Note de vie scolaire.
Sur cette dernière, une intervenante fait remarquer que dans son établissement,
pour qu'un élève n'ait QUE 10 / 20 il faut que l'on ait relevé 41 manquements à
son propos !!!
Questions en vrac :
Comment remonter un collège en détresse ? Pourquoi certains établissements
fonctionnent-ils bien et d'autres pas, alors qu'ils ne sont pas dans des
secteurs défavorisés ? Réponses : le collège unique est aujourd'hui une fiction
à laquelle s'accrochent les idéologues. Dans la réalité la diversité est la
règle, par nécessité. Quant à la "qualité" d'un établissement elle est très liée
à la "qualité" du chef d'établissement et à la cohésion des professeurs,
transcendante à leur appartenance philosophique ou politique.
Quid de la carte scolaire pour affecter les élèves ? Réponse : tous les
candidats en parlent. Mais plus on en parle, moins c'est clair !
Comment réhabiliter le respect, la discipline, l'autorité, les sanctions ? Que
faire si l'on se sent, ou si l'on est , menacé ? Ou mis en cause par les élèves,
les parents, voire le chef d'établissement ? Réponse : nous prévenir, évidemment
!
J.M. signale que tout professeur a droit à consulter son dossier administratif
au Rectorat, sur demande écrite. De même les chefs d'établissement doivent
porter à la connaissance des professeurs, s'ils sont mis en cause, les pièces
les concernant. Tout professeur peut contester, par écrit, toute décision le
concernant, qu'il s'agisse de la notation administrative ou de rapport, y
compris d' inspection, établi à son sujet et qui doit lui être communiqué.
Pour terminer il est convenu, après discussion, que le S.I.A.E.S. adressera aux
candidats à l'élection présidentielle des questions précises sur l'enseignement.
Les réponses seront publiées, comme seront signalées les absences de réponse.
Principaux thèmes proposés (non exhaustifs) : Salaires, revalorisation, avec
chiffrage et calendrier. Comment lutter contre la violence et rétablir le
respect envers les professeurs ? Position sur le passage automatique en classe
supérieure . Idem sur un contrôle effectif pour l'entrée en Sixième. Réforme des
IUFM ? Inclure les temps de trajet dans le temps de service en cas de poste sur
plusieurs établissements.
Alain FRETAY Jacques MILLE
DOSSIER "VIOLENCE"
Présentation : A l'heure où le problème de la violence en milieu scolaire se
pose avec une acuité croissante nous avons jugé opportun d'apporter témoignages
et articles à ce sujet.
Bilan 2005 - 2006 de la violence en milieu scolaire (déclarée...)
Nota : les "petites incivilités" ( sic ) ne sont pas recensées.
Violences physiques sans arme : 24 390
Insultes ou menaces graves : 21 334
Vols ou tentatives de vol : 7 022
Dommages aux locaux : 3 042
+ Hausse constatée par le Ministère des violences à l'endroit des professeurs
Ce dossier comprend deux articles d'ordre général et présente quelques
témoignages et … un contrepoint qui pourra surprendre, ou choquer.
Nous aurions pu multiplier ces témoignages de la vie quotidienne dans les
établissements, car nous n'en manquons pas. C'est alors un livre que nous
aurions dû écrire !
Nous ne doutons pas qu'à ces seuls exemples beaucoup ne reconnaissent des
situations vécues, à des degrés et sur des modes divers car le fait est très
variable d'un établissement à l'autre, et au sein même d'un établissement.
Soyons clairs . Notre objectif n'est pas de " noircir le tableau " à l'envi car
nous savons fort bien faire la part des choses quand nous reviennent
naturellement , à titre syndical, plutôt les situations " a - normales " que
celles ne faisant pas problème qui restent, du moins l'espérons-nous,
majoritaires.
Mais il est de notre devoir, sans langue de bois, de dire et d'exposer cette
montée de la " violence ", sous ses formes diverses, quand il ne s'agit plus
d'actes isolés ou d'épiphénomènes, mais de situations qui se généralisent et se
banalisent, touchant jusqu' aux établissements réputés "sans problèmes".
Ni alarmisme excessif, ni politique de l'autruche. Pour le S.I.A.E.S., parler
vrai c'est ne pas occulter les réalités et c'est oser appeler "un chat, un
chat". Et dire le vécu des personnels dans sa diversité, en pointant ce qui fait
problème pour accomplir, dans la sérénité, notre mission d'instruction et
d'éducation.
Cette violence constatée, nous convenons que les "remèdes" possibles sont loin
de faire l'unanimité et que la question de la discipline et de la sanction (de
la répression selon certains) se trouve ainsi posée. Certes la prévention
s'impose toujours en priorité, mais quand la maladie est là, il faut bien la
soigner !
Pour la réflexion sur le sujet nous vous conseillons la lecture d'un petit
ouvrage
La sanction en éducation par Eirick PRAIRAT Que sais-je ? n° 3684 Février 2007
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L'auteur pose clairement, en perspective historique et contemporaine , la
problématique des règles, de l'autorité et de la sanction et, à défaut
d'apporter une réponse absolue, en définit les enjeux, en particulier dans le
contexte récent de montée des incivilités et de la violence ainsi que de
l'irruption du "droit " dans le règlement des conflits scolaires.
Nous vous conseillons aussi, particulièrement si vous êtes concerné(e) par un
problème de discipline ou de violence dans votre établissement, de vous faire
communiquer une publication du Ministère adressée à la rentrée 2006 à tous les
chefs d'établissement
Conduites à tenir en cas
d'infractions en milieu scolaire Mémento MEN Juillet 2006 consultable sur
www.eduscol.education.fr
+ Circulaire interministérielle 06 - 125 du 16 août 2006 in
BO n° 31 du 31 août 2006
Ce mémento définit tous les actes délictueux avec la "marche à suivre" pour leur
règlement.
Vous pouvez aussi, si vous êtes témoin, ou victime, d'un acte de "violence" en
milieu scolaire nous contacter pour nous signaler les faits, et vous aider si
nécessaire, car l'administration des établissements n'est pas toujours très
"chaude" en la matière … quand elle ne vous rend pas même, parfois, responsable
de vos propres maux !
NON MADAME, CE N’EST PAS POUR CELA QUE NOUS AVONS SIGNE
!
Quand on arrive au bout du pire, ça va mieux ?
Vous vous souvenez d'Orange Mécanique, le célèbre film de Stanley Kubrick ?
Dans un futur pas si lointain, une bande de jeunes goûtaient aux plaisirs de l'hyper-violence
: rodéos en voitures, tabassages divers, viols, tortures... Eh bien le futur,
c'est aujourd'hui !
Trois images : mars 2003, manifestations de lycéens, ces bandes qui isolent une
proie, la frappent, la rackettent, avant de disparaître. Octobre 2005, les mêmes
peut-être, qui inventent un nouveau jeu pour tromper l'ennui et incendient
joyeusement les voitures de leurs voisins. Février 2006, l'affaire Ilan Halimi,
le gang des barbares.
Et ça continue : automne 2006, on met le feu aux bus. Toujours dans le style :
on s'ennuie, on est nuls, on court au plus pressé. Dernière tendance ? Organiser
une tournante dans les toilettes de l’établissement ; filmer la scène avec son
Nokrisson à 3,1 megapixels ; publier le best of de l’horreur sur son blog
accessible à tous : www.jesuisunpetitcon.com
La plupart sont mineurs, souvent des collégiens, mais aucun d’entre nous n’est
vraiment concerné. Jusqu’au jour où une chaise vide… « Machin ? Le bus, c’était
lui… ». Ben oui. Car ce sont nos enfants, nos élèves, dans le monde
technologique dont nous avons rêvé. Les petits enfants de mai 68, qui n'ont
d'autres valeurs que celles renvoyées par la télévision ou les jeux vidéos :
violence esthétique et sans conséquence, argent facile, gloire et beauté sans
effort. Je veux une chose donc je la prends... Au pire, je passe à la Star Ac’.
À la télé, si je crame des passagers. Même la torture n’est plus qu’un simple
jeu. En 3D et bande son surround. La teuf ! Sans parler du bonus : je nique au
passage mes parents, la police et les profs.
Surtout les profs, bien alignés au premier rang du grand jeu de massacre.
Méprisés, agressés, insultés, les enseignants sont de plus en plus souvent
lâchés par leur hiérarchie.
Qui n’a entendu parler de cette enseignante de 35 kg, « accusée » d’avoir viré
manu militari ce gaillard de 17 ans, et de s’être au passage déboîté l’annulaire
de la main gauche ? Plainte des parents, « témoignages » des copains de la
classe… Blâme. Ou encore ce jeune stagiaire IUFM dont la veste de cuir a été
lacérée à grands coups de cutter et qui a osé parler de remboursement à la
famille de l’agresseur : sanction administrative à la demande des parents, du
chef d’établissement et de l’inspecteur. Motif : tentative d’extorsion.
Démission de l’intéressé.
Nos élèves n’ont plus aucun repère – « Quoi, vous faites tout ce foin pour un
simple vol de portable ? » - et leur parents tendent vers le modèle américain :
mon fils n’a pas eu la moyenne, le prof a dit qu’il était « rêveur » ? Je colle
un procès à l’enseignant, je demande une sanction, j’alerte les médias.
Car nos élèves n’ont pas le monopole de la violence : février 2007, au prétexte
d’une remontrance faite à un pékélou, deux voyous vaguement parents agressent
sauvagement deux institutrices en pleine récréation. Sous les yeux de leurs
petits élèves, l’une d’elle est violemment jetée à terre. Elle est longuement
tabassée, défigurée à coups de pied. Vous avez dit sanction ? 7 et 1 mois de
prison pour les coupables. Ridicule. Insultant pour la profession, humiliant
pour les victimes. Les deux hommes encouraient sept ans de prison. C’est tout
simplement, délivré par l’Institution, un véritable permis de récidiver.
Je voulais consacrer cet article aux TZR. Au-delà, j’aurais voulu parler de tous
ceux qui se trouvent aujourd’hui engagés en première ligne ; les plus exposés au
feu dans cette guerre de tranchée qu’est devenue la mission d’enseigner.
Car cette année encore, c’est la guerre, je n’exagère rien. Et ce ne sont pas
ceux de Jean Moulin, de la Belle de Mai ou d’Elsa Triolet qui me contrediront .
A Frais Vallon, les comptes se règlent à coups de carabine devant le collège ; à
Vallon des Pins, une surveillante est piétinée par les élèves ; autres lieux,
autres mœurs, à Diderot, à St-Exupéry, les commandos pénètrent dans le lycée
pour vider leurs querelles ou massacrer un prof à la barre de fer.
L’administration impuissante exclut les victimes à domicile, « pour leur propre
sécurité » et mute l’enseignant défiguré dans un bahut plus calme.
Il faudrait dix journaux pour raconter le pire : stagiaires insultés en présence
de leur tuteur ; néo-titulaires bombardés au tableau par des billes en acier ;
intimités filmées par des portables et largement divulguées…
Et ce n’est plus anecdotique : la gangrène s’étend. Le pire se généralise et se
banalise. La norme n’existe plus. Chacun y perd ses repères et tente de
préserver sa peau. Le prof, qui était généreux et solidaire, devient con et
individualiste : « Aujourd’hui ça allait. Des insultes comme tous les jours mais
moins de crachats sur ma veste et ma voiture n’a été que rayée. Les pneus sont
intacts, je peux encore rouler. Dans deux ans j’ai les points pour Monticelli.»
J’en reviens aux TZR. J’en reviens à tous ceux qui exercent en services partagés
sur deux ou trois établissements. Qui mangent au volant de leur voiture,
parcourent des centaines de kilomètres chaque semaine. Se font engueuler s’ils
osent rater une réunion d’équipe et s’entendent dire régulièrement : « Il y en a
de plus mal lotis, qui ne se plaignent pas».
J’en reviens aux TZR, à ceux qui enseignent et ceux qui n’enseignent pas. Qui
attendent toute l’année un bout d’affectation en classant des bouquins au fond
d’un CDI. À qui on lâche avec mépris : « Vous n’allez pas refuser cette demi
semaine de remplacement à 60 km de chez vous ?... Vous n’avez pas encore
travaillé cette année ! ». Coupable de n’avoir pas obtenu d’affectation ;
mauvaise graine de sous-prof.
Je repense à cette gestionnaire du Rectorat, fort sympathique au demeurant mais
ce n’est pas la question. S’étonnant de la rétivité des jeunes enseignants à
être écartelés à travers l’académie, déplacés comme des pions sur un échiquier :
« Tout de même, c’est pour cela qu’ils ont signé ! ».
Non, madame. Ce n’est pas pour cela qu’ils ont signé. Ce n’est pas de cela dont
on leur parlait dans le cocon douillet des IUFM.
On a laissé des pseudo pédagogues leur cacher les réalités du métier. On a
laissé des universitaires fumeux mentir sur le sens de leur mission et le niveau
de leurs élèves. Au sortir de la bulle dorée, on les a envoyés au casse-pipe
dans les quartiers les plus difficiles, sans l’ombre d’une vraie formation. Pas
sur un établissement délicat, mais souvent sur deux ou trois et pour un temps
très court. Juste le temps imparti aux élèves pour démolir le prof. Pour se
payer la peau du remplaçant de la remplaçante du prof.
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Beaucoup nous ont quittés cette année. Écoeurés de n’avoir été que de la chair à
élèves, trahis dans leur vocation et dévalorisés dans leur image.
Alors oui madame, tout bien réfléchi, ceux qui restent ont parfaitement le droit
de manifester leur mécontentement. Ils avaient imaginé leur métier autrement.
Richard TRONC – Secrétaire Adjoint. Élu CAPA certifié richard.tronc@siaes.com
Sans oublier le lycée hôtelier, établissement le plus violent de notre académie
(!!!) d’après les résultats de l’enquête SIGNA (Le Point – 31 août 2006).
Violences en
milieu scolaire : les vrais coupables.
Parmi nous, peu ont encore la chance d’exercer leur métier dans un établissement
où les professeurs et les adultes en général ne sont pas régulièrement
confrontés aux insultes, menaces et violences des élèves dont ils ont la charge.
Cet état de fait a gangrené la plupart des établissements y compris ceux à qui
on collait naguère l’étiquette « sans problèmes ». Ce que certains appellent
pudiquement les « incivilités » est devenu le quotidien, sous des formes variées
certes, mais toujours aussi difficiles à vivre, des personnels et des élèves
désireux de travailler et de s’instruire dans des conditions correctes.
Nous l’avons à maintes reprises dénoncé et continuerons de nous engager aux
côtés de toutes celles et ceux qui conservent l’espoir de pouvoir reconquérir
leur autorité bafouée et de faire travailler et progresser les élèves dans un
climat serein. Si nous avons déjà tenté d’analyser dans nos précédentes
publications les causes multiples de ces violences (Collège Unique,
égalitarisme, pédagogisme…), je voudrais ici rendre à César ce qui appartient à
César, c'est-à-dire mettre certains adultes face à leurs responsabilités dans
cet énorme gâchis. Car si la montée de la violence chez les jeunes ,y compris en
milieu scolaire, est un fait de société indéniable notamment lié à la démission
des familles, l’Education Nationale porte également une très lourde
responsabilité.
Tout d’abord, inutile de travestir la réalité, il y a toujours eu des
professeurs chahutés, ceux chez qui on allait passer un moment de franche
rigolade. Les enfants d’aujourd’hui sont les mêmes que ceux que nous étions, ils
cherchent à toucher du doigt la limite, à la repousser pour les plus hardis, et
préfèrent en général s’amuser plutôt que travailler. Ce chahut d’antan
s’inscrivait dans un contexte particulier, celui d’une Ecole au sein de laquelle
l’élève pouvait de temps à autre lâcher gentiment la pression dans le cours de
quelques professeurs moins portés sur la discipline et qui faisaient bien
inconsciemment office de soupapes de sécurité.
Ce chahut pratiqué dans les cours de certains, il y a encore dix ou quinze ans,
serait aujourd’hui perçu comme une séance très calme par bon nombre de
professeurs dans la plupart des établissements « difficiles » ou en passe de le
devenir si rien ne change. Les enfants se sont transformés en bourreaux et les
enseignants en offrandes sacrificielles sur l’autel du Collège Unique, de «
l’enfant au centre du système éducatif », du pédagogisme et du 80 % d’une
tranche d’âge admis au bac. Les élèves ne chahutent plus puisque le chaos est
devenu leur quotidien. Ils n’ont plus d’ailleurs les fous rires incontrôlables
que nous avions parfois dans le cours de certains professeurs réputés pour leur
intransigeance. Les élèves d’aujourd’hui ont bien compris que le système leur
permet dans l’impunité la plus totale de manquer de respect aux adultes, de les
insulter, de les menacer et même de les frapper. Impunité pour ces élèves car le
terme « autorité » est assimilé à un fléau fasciste dans le vocabulaire
pédagogiste employé par certains gourous sévissant dans les IUFM. Vocable
également proscrit sous la dictature de la pensée unique, imposée par des
syndicats post soixante-huitards de la gauche bien pensante, qui sévit dans bien
des salles des profs. Concept que de nombreux chefs d’établissement , ne voulant
pas faire de vagues en faisant état des problèmes, estiment archaïque et
dépassé, quand ils n'estiment pas, en renversant totalement les valeurs, que
toute sanction est un « échec éducatif », leur échec, notre échec !!!
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Alors, quand le rappel des règles , l'appel à la raison, le dialogue n'ont pas
abouti, la punition ou la sanction s'imposent. Combien de temps encore
continuera-t-on d’excuser ou de minimiser les actes inadmissibles d’un collégien
ou d’un lycéen au principe qu’ « un enfant est toujours innocent », « qu’il
exprime ainsi sa frustration » ou que « les insultes n’ont dans sa bouche pas la
même signification que dans celle d’un adulte » ? Combien de temps les
irresponsables continueront-ils de refuser de sanctionner les élèves qui
commettent des actes qui relèvent du délit, voire du crime sur le plan pénal ?
Et de crier à la répression ?
Car après tout, mesdames et messieurs, je vous rejoins sur un point : Ce sont
des enfants ! Et justement un enfant a besoin que les adultes qui l’entourent
lui fixent des limites. Tous en conviennent (note 1) . En refusant de
sanctionner et de vous montrer autoritaire lorsque cela est nécessaire, vous
refusez de jouer votre rôle d’adulte et d’aider ces enfants à grandir.
J’ai vu repousser année après année les limites du tabou, de l’inacceptable, de
ce qui relevait naguère de l’impensable. L’instauration de « commissions de vie
scolaire », acclamées par les démago-pédagogues, censées traiter en amont des
conseils de discipline les problèmes de comportement n’a fait qu’accentuer le
sentiment d’impunité des élèves et par là même la fréquence des insultes envers
les enseignants et des faits graves au sein des établissements scolaires.
L’élève qui commettait un fait grave (insulte ou menace envers un enseignant,
etc. …) était auparavant traduit devant un conseil de discipline. Il avait
commis un acte tabou et cela était perçu comme tel par les autres élèves. Pour
suivre la sacro-sainte gradation des sanctions, une « commission de vie scolaire
» se réunit désormais pour tenter de remédier aux difficultés de l’enfant.
Celui-ci est parfois légèrement sanctionné, mais ne peut être exclu
définitivement même s’il a insulté ou craché sur un professeur. Il devra
recommencer ces actes plusieurs fois à l’égard du même professeur ou d’autres
(il a le choix) pour enfin passer en conseil de discipline. Et l’exclusion
définitive ne tombera que si les professeurs élus au conseil se prononcent pour,
ce qui n’est pas toujours le cas (réfléchissez donc bien avant de voter lors des
élections du Conseil d’Administration en début d’année scolaire !).
Ne parlons même pas des consignes officieuses des chefs d’établissement zélés
qui sont de « tenir bon sans faire de conseil de discipline durant le premier
trimestre », de « garder le plus longtemps possible tel ou tel élève » pour « ne
pas trop faire de chiffre ».
Enfin, lorsqu’il y a « le feu » dans l’établissement, après avoir « tenu bon »
pendant le premier trimestre pour agir en fonctionnaire zélé et contribuer à
l’obtention de bonnes statistiques par l’établissement, on exclut. On exclut à
tour de bras
même ! « Les têtes tombent » lors de soirées aux allures de rites sacrificiels
où on voit défiler cas après cas. Mais il est trop tard, cela n’a plus de sens.
On a laissé les élèves cracher, insulter voire menacer bon nombre de collègues
avant de signifier à certains d’entre eux qu’ils ont atteint leur quota. L’élève
ressent même souvent un sentiment d’injustice car il ne comprend pas pourquoi
c’est grave d’avoir insulté , cette fois , M. Untel alors que cela était
précédemment admis et toléré.
L’Inspection Académique procède ensuite à des transferts de joueurs en
réaffectant les exclus dans de nouveaux établissements selon le principe de la
réciprocité. On en vire quatre, on nous en colle trois. Certains élèves feront
ainsi 3 ou 4 établissements durant leur scolarité au collège. Cela aura permis
aux équipes de souffler en se refilant la patate chaude.
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Ayant siégé depuis cinq ans dans le conseil de discipline de mon établissement,
j’ai vu exclure près de 70 élèves. Ils étaient tous coupables, pas tous
responsables, et ont été en général justement sanctionnés. Mais ils n’ont fait
que payer le laxisme de certains adultes qui ont refusé d’instaurer au quotidien
, dès le début de l'année, un cadre un peu plus rigide qui aurait évité à bon
nombre d’entre eux de commettre l’irréparable et de sombrer dans l’échec et la
violence.
Car le problème est bien là, il ne s’agit pas d’exclure tous les élèves qui
commettent des faits graves, car il n’y aurait plus grand monde dans les salles
de classe de certains établissements. Il s’agit de rétablir des règles strictes
de vie en communauté et cela dès les petites classes. Il s’agit de restaurer
l’autorité des professeurs et des personnels de l’Éducation Nationale en ne
laissant rien passer, en sanctionnant lourdement les agresseurs, quand la faute
est grave, et en accompagnant les victimes ,y compris sur le plan juridique.
Limiter la place accordées aux fédérations de parents d’élèves afin qu’elles
cessent de s’immiscer dans l’École et de s’opposer systématiquement aux
enseignants en oubliant que ces derniers sont aussi des parents d’élèves. Il
s’agit de réorienter les enfants qui relèvent de SEGPA y compris si l’avis des
parents est négatif, car c’est pour leur bien et que nous sommes des
professionnels à même de prendre la bonne décision collective pour ces enfants
en souffrance. Ne plus maintenir durant quatre longues années des élèves qui ne
le souhaitent pas au sein du moule du collège unique. Supprimer le passage
automatique en classe supérieure. Il faut remettre la transmission des
connaissances et le respect de l’adulte, et d’autrui en général, au centre du
système, et non déifier l'enfant.
Quotidiennement insultés, menacés, violentés, de plus en plus souvent
photographiés et filmés à leur insu, leur voiture régulièrement vandalisée si
l’établissement ne bénéficie pas d’un parking sûr et fermé, certains professeurs
sont attendus à la sortie par des élèves voulant régler leurs comptes. D’autres
s’attendent à la fin de la journée pour sortir en groupe afin de n’être pas trop
exposés individuellement aux hordes de voyous qui entourent certains
établissements.
Voilà les conséquences du laxisme. Bien sûr, pour se dédouaner ils accusent en
vrac, la société, la télévision, la police … qui ont corrompu ces individus. «
Ils ». Inutile de les nommer. Vous les avez reconnus, ces syndicats dont les
publications traitent volontiers des « bavures policières », de politique, et
accessoirement de la question de l’Instruction Publique. Ceux qui excusent
systématiquement les agissements délictueux des élèves-délinquants et ne
prennent jamais en compte la détresse des victimes.
Nous sommes du côté des victimes – élèves et personnels de l’Education Nationale
– pas du côté des voyous !
Nous sommes du côté de ces enseignants, jeunes et moins jeunes, victimes -
parfois brisées à vie - de ces violences.
Nous sommes du côté de ces enfants qui, en proie à des situations sociales et
familiales difficiles, se voient empêchés d’accéder au savoir par une minorité
d’individus qui sèment le chaos. Notre combat est aussi pour ceux-là, pour qui
l’Ecole ne remplit plus son rôle d’ascenseur social.
Honte à ceux qui cherchent à acheter la paix sociale en prônant le laxisme.
Honte à vous, syndicats pseudo-révolutionnaires, qui assimilez la règle et la
sanction légitime et formatrice à la répression policière des régimes
dictatoriaux.
Honte à vous qui refusez d’appliquer des sanctions et demandez des moyens,
toujours plus de moyens.
Honte à toutes celles et ceux qui contribuent à traîner dans la boue l’autorité
des adultes, mais qui pour rien au monde n’habiteraient, ni n’inscriraient leur
progéniture dans l’école du quartier.
VOUS ETES RESPONSABLES ET COUPABLES, mais vous n’avez, contrairement à certains
élèves, aucune circonstance atténuante !!!
Jean-Baptiste VERNEUIL
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Note 1. A preuve l'expérience libertaire des "maîtres-camarades" de
Hambourg, ayant banni toute contrainte et toute sanction. Échec retentissant
reconnu par son inspirateur même : " partout où l'on se laissa guider par une
confiance sans borne dans le tact des enfants, dans leur force de volonté, dans
leur persévérance ,dans la sûreté de leur instinct et dans la tolérance des
individus à former une communauté… on vit se former des bandes d'indisciplinés
." E. PRAIRAT La sanction en éducation.
Une autre forme de
"violence"
Lettre adressée au Recteur par un groupe ( majoritaire aux 2/3 ) de professeurs
d'un collège des Bouches du Rhône, dans un secteur plutôt favorisé.
" Les soussignés ont l'honneur d'attirer votre attention sur le problème que
pose l'évolution de l'attitude d'une partie des parents d'élèves du collège.
Nous sommes en effet inquiets de constater qu'ils adoptent de plus en plus une
attitude de consommateurs, attribuant volontiers blâmes ou satisfecits à tel ou
tel enseignant, selon des critères qui ne sont pas les nôtres, outrepassant
ainsi leur rôle de partenaires éducatifs, et confondant celui d'éducateur
familial avec celui de juge pédagogique. Ceci est particulièrement grave lorsque
certains d'entre nous deviennent la cible de rumeurs calomnieuses, aboutissant à
des lettres anonymes envoyées aux services de l'Inspection académique et dont il
semble que ceux-ci tiennent compte, à notre grand étonnement.
Partisans du dialogue, nous nous élevons fermement contre cette dérive indigne
d'un fonctionnement démocratique et vous prions instamment de bien vouloir nous
aider à mettre un terme à cet état d'esprit afin de retrouver la sérénité
nécessaire à notre fonction éducative."
Sans commentaires.
État des lieux depuis la rentrée, à l'état brut.
Tableau noir d'un lycée de l'académie
Les professeurs témoignent : des petites" incivilités" aux actes pénalement
sanctionnables :
violence des élèves entre eux, tant verbale que physique, même pendant les
cours. Intolérance des élèves entre eux. Intrusion d'un individu dans une
classe, professeur bousculé, élèves terrorisés. Démission d'un élève en raison
de violences à son encontre. Intrusions d'élèves en salle des professeurs.
Menaces d'agression physique. Grave agression d'un professeur en cours. Insulte
d'un parent envers un professeur. Consommation de drogues et d'alcool. Coma
éthylique pour deux élèves. Harcèlement et violence envers un élève handicapé.
Tentative de violence physique envers un professeur. Un élève est déshabillé de
force et pris en photo. Utilisation de portables et baladeurs dans les couloirs
et en classe. Attitudes déplacées dans les couloirs. Grossièretés et insultes
entre élèves et envers les adultes. Brimades : un garçon oblige une fille à lui
porter son sac. Insultes en arabe à l'égard de filles. Présence d'éléments
extérieurs dans les parkings. Contestation systématique pendant les cours.
Sortie d'élèves pendant les cours, sans autorisation. Retards et absences sans
motifs réels. Passages injustifiés à l'infirmerie, particulièrement pour
certaines classes. Cours séchés les jours de devoirs en classe. Devoirs non
rendus ou copiés. Fraude. Jets de projectiles divers, dont des ciseaux.
Projection d'encre sur les professeurs. Heures de colle non faites, parfois sur
demande des parents. Reproches de moyennes trop faibles. Passage d'élèves très
faibles dans la classe supérieure. Information aux élèves sur la non obligation
de suivre les séances d'aide individualisée. Autorisation faite aux élèves de
partir en vacances une semaine avant la date officielle. Départ des élèves avant
la fin des cours sur simple demande des parents par fax. Menace sur la notation
des professeurs. Punitions et sanctions insuffisantes. Aucune " obligation des
élèves" dans le règlement intérieur. Écoute insuffisante des professeurs, mais
excessive pour les élèves. Obligation de se justifier auprès des parents et de
"construire sa ligne de défense ". Aggravation de la violence cette année ( un
seul acte grave répertorié sur SIGNA pour 2005-2006 ! ).
Paroles d'élèves , sans complaisance :
Sur les professeurs : quand les profs et les pions seront sociables et avenants
, peut être que les élèves se calmeront. Un simple regard suffit pour se prendre
des réflexions, des insultes ou pire. Les réactions des professeurs sont souvent
trop impulsives. Des bagarres éclatent en classe et les profs ne réagissent pas.
Certains profs ne réagissent pas, ils ont peur de certains élèves qui font la
loi. Les professeurs devraient être plus autoritaires. Même si certains élèves
accumulent le laisser-aller, d'autres ont de réels problèmes auxquels il
faudrait prêter attention.
Sur l'administration : il faut que l'administration réagisse. Il est du devoir
de l'administration d'intervenir. Manque d'autorité de la part de la direction.
On ne peut pas compter sur l'autorité, car si on dénonce, on risque de se faire
tabasser .J'ai eu des soucis avec des élèves qui me harcelaient, j'ai prévenu
les adultes qui m'ont promis de m'aider et n'ont rien fait. Faites quelque
chose, bougez avec nous , pas contre nous. Les portails ne sont pas surveillés,
le lycée est un moulin. A la cantine tout le monde pousse ou double et les
surveillants ne disent rien;
on dirait que ce sont les élèves qui commandent.
Sur la situation générale : puisqu'ils n'ont plus de limites, certains se
croient tout permis. La plupart des élèves ne respectent plus les professeurs.
Il y a de plus en plus de violence dans le lycée; des élèves n'ont pas leur
place ici. Depuis quatre ans j'ai remarqué l'augmentation de la violence; cela
va-t-il s'arrêter ? Il y a beaucoup plus de violence que l'année dernière, et je
ne parle pas de la présence de la drogue. Il est intolérable que des élèves
extérieurs au lycée viennent, bousculent ou agressent des professeurs et des
élèves. Le lycée a aujourd'hui mauvaise réputation. Je remarque que le lycée est
de moins en moins sécurisé. On pourrait atténuer tout cela par des sanctions ou
des virements définitifs. Je ne trouve pas normal que des parties du lycée
soient saccagées, comme les toilettes des filles : conséquence elles sont
fermées. Je suis impulsif et me bats facilement pour me faire respecter même si
ce n'est pas la bonne solution. Certains élèves ont des attitudes qui ne
conviennent pas au milieu scolaire et malheureusement les sanctions ne tombent
pas toujours. C'est devenu un jeu : se filmer quand ils se battent. Les gens qui
ne font rien en cours , il faut les sanctionner. Dans la cour il y a eu des
conflits plus ou moins violents. Sanctionner toute personne qui n' obéit pas aux
règles, même si les fautes sont minimes. Certains ont oublié ce qu'est le
respect. Certains élèves manquent de respect envers les professeurs, ils sont là
pour apprendre et non pour montrer qu'ils sont des "rebelles". Je pense qu'il
faudrait passer par des renvois ou même des conseils de discipline. Les élèves
sont de plus en plus agressifs entre eux mais aussi avec les professeurs. Il
faut virer ceux qui agressent. Tous les matins je viens avec la peur au ventre.
Un élève s'est fait agresser par des élèves de 1ère et n'en a parlé à personne.
Une élève de ma classe a été attaquée dans les vestiaires. Certains se font
agresser mais , par peur de se faire frapper, n'en disent rien. Il faut que ça
bouge, car moi, tous les matins, j'ai une peur bleue de venir au lycée. De plus
grosses sanctions doivent être infligées. On devrait installer la tolérance
zéro. Les élèves qui ne se sentent plus en sécurité pourraient quitter le lycée.
Cette année, ça a changé , il y a même des bagarres entre filles, des gens te
provoquent dans les couloirs juste parce que tu les a effleurés. J'espère que la
personne qui lira cette lettre aura le pouvoir et la force de réagir et pourra
sauver le lycée. Ils tenaient un autre garçon ligoté, l'ont traîné par terre et
l'ont laissé devant l'infirmerie. Un élève a été racketté, humilié, déshabillé
dans la cantine par d'autres élèves.
Conclusion ( professeurs ). Il ne s'agit plus d'actes isolés que des démarches
individuelles peuvent stopper. Les professeurs ne se sentent ni suffisamment
écoutés , ni suffisamment soutenus. Ils lancent un signal d'alarme avant que la
situation ne devienne irréversible. Ils ressentent la nécessité d'une cohésion
de tous et souhaitent que l'administration engage pleinement sa responsabilité
face à cette violence qui doit être désamorcée au plus vite. Leur volonté n'est
pas la seule "paix sociale", ils voudraient , dans un climat plus propice,
développer chez tous leurs élèves, le désir d'apprendre, dans une relation de
confiance, mais aussi d'exigence. Ils voudraient tout simplement pouvoir
enseigner.
Une
journée comme les autres
7H35 : Arrivée au collège Jean
Moulin. Sac sur le dos, ordinateur en main, djembe à l’épaule. Direction la
salle de musique. De l’armoire, je sors : carnet d’appel, formulaires
d’exclusion, lingettes détergentes au citron, photocopies et surplus de feuilles
qui serviront de cahiers aux élèves sans matériel. Je branche mes câbles. Je
grimpe en salle des profs : « Bonjour ! ». Je cours vers la photocopieuse.
7H50 : Sonnerie. Pour éviter les drames dans la cour, on ne traîne pas en salle
de profs. En rabattant les élèves avec les collègues, je traverse le préau, un
premier niveau de cour, puis descends les escaliers vers les emplacements.
« M. Enlève ta capuche s’il te plait ! ».
Après avoir laborieusement obtenu que nos élèves soient rangés, nous rejoignons
nos salles. Escalier; terrasse du haut. Les rangs commencent à se déliter. Sous
le préau, ça bouchonne, les élèves se bousculent. Je tire sur des sangles de
sacs au passage, pour séparer des élèves qui se battent. «Lâche-le ! Et avance
dans ton rang !». Mais des rangs, il n’y en a plus et j’ai déjà perdu quelques
élèves. Tant pis, on se retrouvera devant la salle.
J’arrive enfin au bout de l’entonnoir. La marée humaine se fend en deux pour
éviter l’énorme pilier qui trône au milieu du petit « hall » de la Vie Scolaire.
Ensuite, curiosité locale, nous nous entassons dans un couloir zigzagant.
Seconde sonnerie, virage à gauche, sauvée ! Je suis enfin devant ma salle, alors
que mes collègues ont encore plusieurs escaliers étroits à monter.
8H00 : Sac encore sur le dos et poubelle à la main, rituel du jetage de
chewing-gum. Puis vient ma litanie préférée : « Enlevez vos vestes, s’il vous
plait. Sortez votre carnet de correspondance, votre cahier et votre trousse».
Tiens, aujourd’hui, personne ne bronche dans cette 3e, aucun refus. Le pli
semble être pris. Soudain un cri : «Madaaaaame y’a un cafard sur ma table !». En
effet. Et c’est qu’elle court vite, la bestiole ! Surtout, elle risque de
compromettre mon cours ! Seule solution : l’éliminer au plus vite ! Rien à
portée de main. Je remonte mes doigts dans la manche de mon blouson et CRAK ! Je
balance le cadavre par terre. «Madame, y’en a des cafards dans la boite
anti-cafards à côté de l’armoire ? Vous êtes sûre qu’elle marche ?» Je ne sais
pas. «Allez, finissez de sortir vos affaires, il est déjà 8h15.»
Le cours commence, les élèves sont endormis mais ils suivent. Écoute, chant,
percussions, on a tout fait. Je suis contente. «Ouais, mais c’est normal : y a
que vous qu’avez travaillé !», me lance Y. avec un petit sourire goguenard.
8H55 : La 3e suivante arrive et ça s’entend ; ils sont au complet, 23 élèves. Je
les accueille avec MA poubelle et je répète MA litanie. Je me plante au milieu
du U que forment les tables et, poubelle à la main, leur demande de se taire et
de sortir leurs affaires. S. refuse d’enlever sa veste : «J’ai froid ! Qu’est-ce
que ça peut vous faire ! J’ai froid.» Je lui explique : c’est pour sa santé, son
hygiène et par politesse qu’il faut retirer sa veste. J’insiste et la menace
d’exclusion. Elle finit par s’exécuter. Je fais enfin l’appel et le cours peut
commencer. Il est déjà 9h15.
Pendant l’écoute je vois M., très appliquée, écrire sur sa table. Je lui tends
une lingette au citron, je lui demande de nettoyer. «Ça va pas, non ? Je suis
pas femme de ménage, moi !» «Tu es une élève, tu dois prendre le cours sur ton
cahier au lieu de gribouiller la table ! La dame de service a autre chose à
faire que nettoyer tes cochonneries !». Blocage. J’insiste : «Soit tu nettoies
maintenant, soit je fais un rapport et tu seras femme de ménage après les cours,
pendant une semaine !».
Elle finit par s’exécuter, dans le brouhaha de la classe qui commente
l’incident. Je demande le silence et on passe au chant. Ils finissent par y
mettre un peu de bonne volonté. Deux mois pour arriver à bout d’une strophe ! Je
chante la chanson en entier. Constat : les strophes 1, 2 et 4 ont la même
musique. Les élèves prennent conscience du temps perdu. Devoir : se mettre en
bouche les strophes 2 et 4. Certains s’exercent déjà. Dans deux semaines, nous
passerons peut être à un autre chant.
Récréation. Bonne idée, la disposition en U ! Ça favorise la communication et
les échanges, ça rend le cours plus vivant ! Mais avec des classes difficiles,
ça amplifie l’agitation et l’agressivité. Aussi j’ai décidé de revenir, pour les
6e et les 5e, à une configuration plus classique, qui me permet de séparer les
individus les plus gênants . Je sacrifie, pour ce déménagement, ma récréation et
mon café.
10H00 : après avoir coursé les élèves de 6e pour qu’ils se mettent en rang,
c’est le parcours du combattant pour rejoindre la classe. Devant la salle je
reste vigilante : la semaine dernière N. a frappé une élève de 5e sagement
rangée devant la salle d’arts plastiques. Grosse bagarre, qui m’a valu un ongle
de pouce retourné, noir et douloureux pendant 4 jours !
Ça hurle, ça se bouscule, ça se lance des injures. Le couloir résonne à vous
casser les oreilles et ma voix ne couvre pas le boucan des 24 sauvages. Je les
apostrophe un par un pour tenter de les calmer. Puis zut ! J’ouvre la porte, je
me ferai mieux entendre dans la salle. Ils râlent : « Les autres vous leur avez
laissé les tables en U ! », « Normal, ils se tiennent mieux que vous ! Ce ne
sont pas des bébés !».
Une fois que tout le monde sait où il doit s’asseoir, reste la phase poubelle,
vestes et matériel. Je suis fatiguée. Rangée par rangée, je rabâche et je tends
la poubelle. N. refuse d’enlever sa veste. Je ne comprends pas qu’il n’ait pas
l’intelligence d’obéir après l’incident de la semaine dernière. « Non ! J’ai
froid ! Qu’est-ce que ça peut vous faire ! Non ! Si je l’enlève, mettez moi à
coté du radiateur ! Non, je sors pas mes affaires ! ». Allez ! Je prends un
formulaire d’exclusion et le remplis.
A. au fond de la classe n’a toujours pas sorti ses affaires. Il lance en
ricanant : « Attends, je vais te rejoindre ! ». Il se couche sur le carrelage et
feint de dormir. Je m’occuperai de son cas après. N. refuse de sortir. Je donne
le papier d’exclusion à F. qui court chercher un CPE sous les huées de ses
camarades. Je ramasse quelques carnets et m’occupe de A. Il sera également
exclu. La classe se calme. Il est 10h30. Le CPE arrive pour récupérer N. «Je
commence à en avoir marre de cette classe, je n’entends parler que de vous !
Vous n’êtes qu’en 6ème !».
Il leur parle de leur avenir proche, de ce que sont devenus certains anciens
élèves, morts du sida ou bien enfermés à la prison de Luynes. Un discours long
et sincère, riche d’années d’expérience et de recul. Nous disons que c’est la
dernière fois que nous prenons le temps de leur expliquer les enjeux, que la
balle est dans leur camp.
Je conclus : «Merci. Maintenant, ce n’est pas parce que vous avez retrouvé la
raison et que A. a sorti discrètement ses affaires, que je vais oublier les
insolences. N. et A. vous êtes exclus».
Voilà. Il reste 10 minutes, comme d’habitude. Le temps de revoir la chanson «
Mirza » de Nino Ferrer. Ils ne chantent pas, ils hurlent. J’arrête la musique.
«Racontez-moi l’histoire de cette chanson…» «Bé, c’est quelqu’un qui a perdu son
chien et qui demande aux gens s’ils l’ont vu» «Oui très bien. Est-ce qu’on hurle
à la figure des gens quand on leur demande un renseignement ?» «Non, c’est pas
bien !» «Alors vous allez me faire le plaisir de chanter plus doucement».
En dix minutes, on étudie la notion de nuance. Je vais y arriver, je vais les
avoir à l’usure. Heu… Il faudra aussi que je pense à écrire les rapports, à
midi. Je n’aurai encore pas le temps d’aller à la cantine !
11H05 : Une classe «normale», la 4e arrive, prête à remettre les tables en
place. Ils savent qu’il me faut toujours deux minutes de vrai silence. Ils
m’observent avec un sourire. «Alors ? Ils ont été comment les petits ? En tout
cas ils ne sont pas sortis en se battant aujourd’hui.» En cinq minutes les
tables sont rangées et le cours commence.
12H00, salle des profs : des collègues rédigent les rapports de la matinée. Jets
de gommes et de bâtons de colle, insolences, menaces, bagarres. Les profs
principaux écoutent les plaintes de leurs collègues, claquent leur forfait de
portable pour appeler les parents. Agitation : une collègue vient de se faire
courser dans le couloir par un élève qui menace de «lui faire la peau».
Intervention musclée des adultes mais la collègue n’est pas rassurée.
Les trois heures de l’après-midi se dérouleront comme le matin. Deux classes de
3e et une de 5e.
La 5e, très difficile, «bénéficie» aussi d’une configuration de classe
«classique». Aujourd’hui ça peut aller : 10 élèves sont absents ! A peine une
exclusion et une poignée de rapports.
16H50 : fin de la journée. Je débranche les câbles, je redispose les tables en
U. Tout en rangeant le matériel, je discute avec la dame de service. Je lui
demande si les élèves continuent à uriner dans les escaliers. «Oui » . Et on en
a marre de nettoyer leurs saletés ! C’est de pire en pire. Aujourd’hui ils ont
étalé de la m… sur les murs ! » Je n’en reviens pas : de la m… ?! Ben oui, sur
plusieurs murs. Là on se rend compte que le message de ces enfants est très
clair : « On vous emm… ! ». Il me vient une comparaison à l’esprit : lorsque
certains chats sont frustrés ou vexés, ils vont faire caca dans le lit de leur
maître. A méditer.
17H15 : J’enlève mon armure d’éducatrice et musicienne intervenante. Ce soir,
c’est avec grand plaisir que j’irai à mon cours de yoga ! Après les vacances de
février, le Conseil de Discipline va se réunir pour la 22ème fois cette
année.
Fabienne CANONGE
fabienne.canonge@siaes.com
Collège Jean Moulin, Marseille 16ème. 597 élèves, 88 profs dont 70% ont moins de 35 ans. Origines sociales des élèves : défavorisés actifs 24,8%, défavorisés inactifs 65,7% soit un total de 90,5% (79,4% pour Marseille littoral nord, 41,1% pour le département 13).
Mardi matin, journée
type à Chevreuil
Avertissement avant
lecture : les faits rapportés ici se sont réellement déroulés. Certaines
sensibilités pourraient être choquées
NDLR. Nous pouvions anonymer ce témoignage, tant pour l'établissement que pour
son auteur, car la situation décrite pourrait être, aux détails près, celle de
certains professeurs de lycée et collèges publics. Nous en connaissons en effet
"bien dans leur peau" et dans leurs classes, et très satisfaits du travail de
leurs élèves. C'est ainsi la réalité d' une Éducation Nationale qui fait
voisiner le meilleur et le pire, dans le Public, comme dans le Privé. Et quand
on proclame le principe d'égalité, ce sont les différences, et les inégalités,
qui s'imposent à nous, de façon dérangeante et provocante. D'où notre choix de
publier ce témoignage, dût-il surprendre ou choquer.
Un beau jour de décembre, nous rencontrions l’un de nos collègues, enseignant à
l’École Chevreul. Tous deux en poste dans des établissements APV des quartiers
nord de Marseille, nous avons été sidérés par ce que nous découvrions, au fil de
notre visite et de nos entretiens. Une autre planète Éducation, telle que nous
la rêvons dans le Public.
Nous avons demandé au collègue d’écrire un article pour vous présenter une
journée type dans son établissement, non pour faire l’apologie du Privé – tous
les établissements privés ne ressemblent pas à celui-ci, loin s’en faut, et nous
avons le service public chevillé au corps – mais pour vous permettre de rêver à
ce que pourraient être demain nos collèges et nos lycées, si nous avons la
volonté de nous unir et d’exiger qu’il en soit ainsi.
Richard TRONC - Fabienne CANONGE
7h45, j’arrive aux abords du lycée: quelques élèves me saluent en tirant sur
leur dernière cigarette de la matinée; ils sont moins énervés que certains
collègues : jamais les élèves n’ont eu le droit de fumer à Chevreul...
7h55 : je passe la “porterie” en même temps que la sonnerie; je manque d’être
bousculé par les derniers attardés. Le règlement est sévère : ils seront
considérés en retard s’ils entrent dans l’École après 7h55, bien que les cours
ne commencent qu’à 8h05 !
En fait, je ne suis pas pressé : je n’ai cours qu’à 9h, mais je suis venu à 8h
pour accompagner ma fille, qui, comme ses soeurs aînées - et comme la plupart
des enfants des collègues - est élève de l’École. Je passe déposer mon sac de
sport en salle des professeurs, puis je monte à l’étage, au CDI du lycée.
Misère, hier soir j’avais laissé tous mes livres et tous mes cours en vrac sur
“mon” bureau; bon, en théorie, ce n’est pas le mien, mais tout le monde sait
que, depuis 22 ans, je travaille à cet endroit-là, et personne n’oserait
s’installer à “ma” place.
Je range... et je termine la préparation de mon cours de grec; chance (encore
!), Dominique, “ma” documentaliste, a déposé sur le bureau les deux livres sur
Diderot que je lui avais réclamés hier matin. Il est vrai qu’elle habite non
loin de la Fnac... Elle a aussi reçu le Mazenod sur l’art Baroque que je lui ai
commandé. Quelques élèves de première qui traînaient dans le CDI - eux aussi ont
dû amener à l’École des petits frères ou des petites sœurs - entendent mes cris
de joie et viennent se placer autour de moi pour feuilleter ce beau livre. Nous
“délirons” de conserve sur la transverbération de Ste Thérèse...
9h00 : c’est l’heure de mon cours de grec : 11 élèves, essentiellement en TS,
alléchés par le coefficient 3 de la langue ancienne, tous plus charmants les uns
que les autres : ils prennent des notes comme des fous sur la comparaison
d’Hélène (“la chienne”) et d’Andromaque (l’épouse parfaite); gageons que tout
cela sera réinvesti sans peine pour briller dans les dîners en ville dans
quelques années...
10h10 : après ma revue de presse au CDI, c’est l’heure d’aller donner mon cours
de Littérature en TL; évidemment Chloé n’est pas là: elle a encore raté le train
qui nous amène les élèves de St Cyr ou de La Ciotat... Ah, naturellement, Manon
a oublié son livre; tiens, comme par hasard Ludivine et Johanna aussi... C’est
parti : visiblement, ces jeunes filles se moquent de Diderot comme de leur
premier chemisier; heureusement, nous arrivons à l’histoire de Mme de la
Pommeraye : le début les émoustille; mince, il est déjà 11h05 : elles
commençaient juste à se passionner pour les infidélités du marquis des Arcis...
Je me rends au CDI, et je commence à corriger un paquet de copies que j’avais
laissé là. Tiens, quelques élèves qui vaquent sont concernés par ce devoir, mais
ils me voient m’énerver sur leurs copies, ce qui les dissuade de venir assister
à la correction, comme je les y autorise parfois.
12h00 : les choses sérieuses commencent : je passe en vitesse à la salle des
professeurs, j’attrape au vol mon sac de sport, sans oublier la clé du stade et
mon ballon de rugby : c’est que depuis près de 20 ans, mes élèves, ayant appris
que je jouais au rugby à Aix, me demandent de les entraîner : cette année
encore, c’est le mardi; je les retrouve au vestiaire du stade Vallier. Nous nous
hâtons de nous équiper; aujourd’hui, ils ne sont que 9, avec moi, cela fait un 5
contre 5 dans un coin du stade. Je joue mon rôle de prof-qu’on-a-le-droit-de-détruire
à plein; ils s’en donnent à coeur joie, surtout les hellénistes de terminale,
qui n’ont pas apprécié l’interro-surprise de jeudi denier. Qu’on se rassure: je
rends coup (de boule) pour coup (de poing)... Tout cela finit par une rigolade
générale sous la douche. La “Pizza Marseillaise” étant fermée aujourd’hui, je me
hâte de revenir au self du lycée. Chance encore, il est toujours ouvert, et pour
5 euros - pas de subvention pour les cantines privées - je déjeune avec quelques
professeurs retardataires. Il est 13h45; les petits saligauds du rugby m’ont
réellement épuisé, je rejoins ma tanière au CDI, je pose la tête sur ma
mallette, je dors. Je dors dix minutes, silence complice et goguenard de
quelques élèves présents; en tout cas, j’ai droit à quelques commentaires
ironiques quand sonne la reprise de 14h00 : “C’est Connor qui vous a mis dans
cet état, Monsieur?” (Ça ne s’invente pas, Connor est notre élève écossais,
géant des Highlands.)
Cours de français 1L : c’est parti pour deux heures, je commence à lire la
première des Lettres de la Religieuse Portugaise. Laurie se pâme de plaisir, et
quand j’ai fini la lecture, j’ai droit à un rafraîchissant “Ô, Monsieur, moi,
s’il m’écrit une lettre comme ça, je l’épouse de suite !” Et c’est parti pour un
commentaire; je croyais pouvoir terminer avant 16h, mais juste après la
récréation de 15h, j’apprends qu’une de nos élèves allemandes, à Marseille pour
6 mois, doit partir un peu plus tôt que prévu, et il n’y a plus rien à tirer de
la classe : ils ont beau n’être que treize (quinze avec les deux Allemandes),
nous voilà partis pour une interminable discussion sur la France et l’Allemagne,
les Français et les Allemands, etc... Bises et photos en fin d’heure. Tant pis
pour la Religieuse...
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16h05 cours de latin : j’emmène mes 17 élèves de première à la salle multimédia,
pour un travail sur le site d’infos en latin de la radio finlandaise: je
papillonne plus que je ne fais cours, mais tous les élèves jouent plus ou moins
le jeu, et puisque l’inspecteur a aimé... Aujourd’hui, il s’agit de la démission
du président de la république d’Israël, et je m’aperçois qu’ils connaissent
encore moins la géographie que le latin...
17h00 : je rejoins ma fille à la sortie du collège. Dans 50mn, nous serons à la
maison; ce soir, mon seul travail pour le lycée consistera à laver mes affaires
de rugby. Je finirai mon paquet de copies jeudi, dans “mon” CDI.
Yves LEFAUCONNIER
Située dans le quartier de la Blancarde à Marseille, l’Ecole Chevreul est un collège-lycée privé sous contrat d’association. Fondée par des religieuses “de spiritualité ignacienne” (jésuite), elle accueillait jusqu’au début des années quatre-vingts les jeunes filles de bonne famille de Marseille. Devenue mixte, elle rassemble des élèves dont le milieu socioculturel reste supérieur à la moyenne, mais qui se rapproche chaque année davantage de cette moyenne. La scolarité coûte environ 1000 euros par an, hors cantine, aux familles.
Tribune libre
Les textes publiés sous cette rubrique le sont à titre de position personnelle,
pour nourrir la réflexion .
Ils ne sauraient engager le S.I.A.E.S.
Cette tribune est ouverte à tout adhérent qui souhaite nous adresser un texte,
ou réagir à ceux publiés, afin de contribuer à la réflexion et au débat.
L'âge de
raison
L’union - qui fait la force - est bonne. Cette année, sur des mots d’ordre
précis, tous les syndicats d’enseignants ont su se regrouper. Un exemple de ce
que doit être le syndicalisme de demain. Mais si l’union est nécessaire, elle
n’est pas suffisante : 9 actifs sur 10 ne sont pas syndiqués, nous sommes
représentatifs de pas grand-chose. Les gouvernements successifs l’ont bien
compris : feignant de négocier, ils restent convaincus au fond de tout pouvoir
nous imposer.
Nous devons expliquer aux collègues que pour être plus forts et être entendus,
il nous faut être plus nombreux. Il faut absolument se syndiquer, de préférence
au SIAES.
L’union - qui fait la force - est bonne… Mais prenons garde de ne pas y
sacrifier notre spécificité : le bon sens, la raison.
En 2003, beaucoup se sont arc-boutés dans une opposition sans compromis à la
réforme des retraites. Suicidaire : ce régime avait été mis sur pied à une
époque où 10 actifs cotisaient pour 1 retraité ; nous tendons vers 2 actifs
cotisant pour 1 retraité.
Ce combat perdu d’avance nous contraint à la prudence et à la réflexion, y
compris à propos des décrets de 1950. Le SIAES n’a pas pour habitude de
s’acharner dans des oppositions de principe. Il faut savoir dire adieu au « bon
vieux temps » ; réfléchir aux moyens de sauver ce qui peut l’être
raisonnablement, accepter de renoncer à ce qui ne peut plus être sauvé.
Reste l’amertume. C’est vrai : nous avons perdu l’espoir, nous ne goûtons plus à
la satisfaction simple de rendre nos élèves, aujourd’hui meilleurs qu’hier et
bien moins que demain. La fatigue et le découragement gangrènent progressivement
les plus vulnérables d’entre nous : les plus jeunes et les plus anciens.
Pour retrouver l’espoir et le goût de notre métier, le chantier est immense. De
la maternelle à l’université, tout doit être mis à plat et entièrement repensé.
Le temps de la nostalgie et des manifestations systématiques est révolu. La rue,
nous l’avons bien arpentée ; il faut chercher d’autres moyens d’action. Des
actions efficaces et qui ne coûtent rien. Il faut savoir ranger les banderoles
et mettre les pieds dans la négociation : quelle école, quels élèves, quels
enseignants pour demain ?
Pas pour hier.
Richard TRONC
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Où va le syndicalisme ?
Curieux pays que la
France ! La moyenne des salariés syndiqués s'y établit autour de 6 %. De 2 %
dans le privé commercial à 14 % chez certains fonctionnaires. Quatre
constatations s'imposent :
- le monde des travailleurs fait assez peu confiance aux centrales syndicales,
ou tout au moins peu se reconnaissent dans leurs démarches ou leurs idéologies (
94 % non syndiqués ).
- Curieusement , ce nombre bien que petit, est porteur de légende. Il conserve
une aura, une empreinte médiatique et des capacités de blocage énormes.
- Ce sont finalement ceux dont les emplois sont les plus sûrs, les mieux
organisés, les moins précaires qui sont les plus motivés dans ce domaine.
- Les revendications sont plus d'ordre " conservateur " que "réformateur ". Dans
le sens du " non changement " , du " maintien des avantages acquis " hier,
plutôt que dans le sens d'une évolution et d'une vision de ce que sera le
travail dans la société de demain.
Dans l'Education Nationale, co-gestion oblige, le " syndicalisme
pépère/assurance carrière" est notre oxygène. Il fait partie de notre quotidien.
Lorsqu' arrive un nouveau venu, personne ne l'informe de l'organigramme de
l'établissement, du plan des lieux, des "problèmes" locaux… Par contre il trouve
dans son casier force brochures sur les "revendications" en cours , sinon sur le
planning des futures grèves…Et se fait "harponner" par le délégué local.
Le mode opératoire est toujours calqué sur le romantisme d'une époque révolue.
Discussions interminables, assemblées générales, arrêt de travail, défilés ,
slogans… Comme en 36. Nous sommes des syndiqués du siècle dernier, des
révolutionnaires en banderoles, des nostalgiques de mai 68. J'allais oublier
notre aveuglement : le bilan du lendemain de fête, toujours positif même si
l'échec est patent.
Depuis quelques temps, il est vrai, ce genre d'actions a, semble-t-il, moins de
succès.
Pourquoi suis-je alors syndiqué ? Voilà une bonne question. La réponse serait
trop longue, mais ma confiance dans l'action syndicale ne m'interdit pas de me
poser certaines questions politiquement incorrectes, voire sacrilèges.
En premier lieu, comment peut-on défendre une profession qui n'est pas vraiment
définie ?
N'oublions pas que nous ne signons aucun contrat de travail. Nous ne sommes
engagés par aucun protocole qui préciserait les tâches que nous devons accomplir
et celles que nous serions en droit de refuser. Nous sommes simplement tenus
d'obéir aux instructions ministérielles… à perpétuité ! Et l'on attend beaucoup
de nous, si ce n'est tout, à en lire le cahier des charges des IUFM rénovés. La
seule limitation légale est celle de notre temps de présence formelle sur le
lieu de travail ( 15, 18 , 20 heures ) . A ne pas confondre évidemment avec nos
horaires réels sur place, ni chez nous, dépassant souvent les 40 heures…
Dès le départ une confusion s'instaure ainsi entre notre mission de service
public , qui est celle du ministère, et notre travail personnel, qui est de
participer à une partie seulement de cette mission, chacun dans notre
spécialité. Confusion soigneusement entretenue par certains idéologues qui ont
laissé s'installer une situation en cul de sac.
Le ministère a pour fonction de scolariser, former, instruire, éduquer tous les
enfants de France. Mais comment apprécier la part de chacun ? Celle de Madame X,
professeur d'école au CP, de Monsieur Y, professeur d'EPS en 6ème ou de Madame
Z, professeur d'économie en Terminale ?
N'ont-ils pour obligation que d'assurer leurs cours , dans leur discipline, ou
de gérer, au mépris de la qualité de leur travail et de leur vie, toutes les
situations qu'une fantaisie administrative voudra leur imposer ? Ont-ils le
droit de refuser ce qu'ils jugent inacceptable ? Ou sont-ils tenus d'y
satisfaire , sous couvert de l'intérêt de l'enfant et du service public ? A qui
doivent-ils rendre des comptes ? Et s'ils sont " notés " par leur hiérarchie,
pourquoi ne peuvent-ils en retour noter cette dernière ?
Tant que ces questions ne seront pas réglées, comment envisager une réponse
syndicale à des abus non codifiés, donc qui n'existent pas ?
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Autre problème majeur : quelles sont au juste nos revendications ?
Pendant combien de temps allons-nous encore radoter les mêmes rengaines sur
la "défense du service public ", "l'égalité des chances " , " le droit à
l'éducation ", " la réussite pour tous "… Questions essentielles, mais lorsque
je rentre chez moi, le soir, ce ne sont pas celles que je me pose. Plutôt celles
sur les raisons de ma fatigue, de mon découragement, de la médiocrité de mon
traitement. Comment faire pour que demain se passe mieux ? A quelles conditions
accepterais-je les contraintes du métier, pour qu'il soit moins pénible et que
je sois plus efficace ? Là sont les vraies revendications, nos besoins . Le
pragmatisme, plutôt que les grands principes. Je connais nombre de collègues
prêts à travailler un peu plus et mieux, si on accordait davantage de
considération à leurs efforts, un autre salaire, ou même la seule garantie
qu'une équipe de déminage nettoie le terrain des "peaux de bananes " que notre
société leur glisse hypocritement sous les pieds.
Se contenter de revendications fourre-tout, c'est courir à l'échec. Elles
finissent toutes par se raccrocher à une impasse idéologique et à surfer sur une
vague politicienne étroite et sans avenir.
Et puis il y a la litanie du " manque de moyens "…
Incantation commode quand il est clair que l'on en manquera toujours. Et,
sans limites, la protestation peut durer éternellement. Admettons cependant que
l'on puisse abonder notre budget. Mais alors le bon sens nous dit que si l'on
veut vêtir plus chaudement l'Education Nationale, il faudra prendre à ailleurs,
sur d'autres postes. Or la Justice, les Affaires sociales, le Logement…et
d'autres, ont aussi des besoins pressants. Déshabiller Pierre pour habiller
Paul. On connaît. Ou alors augmenter les salaires et donner du travail aux
chômeurs . Yaka, yaka …Ou augmenter les impôts. Mais je suis aussi contribuable
et déjà assez pressuré. Ah, oui, j'y suis, aller chercher l'argent chez les gros
revenus, les nantis, les privilégiés, les entreprises ultra-capitalistes qui ne
paient pas de taxes et délocalisent à tour de bras. Ah oui, mais ça ne va
marcher qu'un temps et gare au retour de manivelle, dans une France ouverte à
l'Europe et à un monde libre où tout se négocie, se sait, se compare et circule.
Alors ? On discute et on tourne en rond…
Mais nos problèmes sont bien réels et n'y aurait-il aucune solution ? Si, mais
tellement douloureuse qu'elle en devient taboue. Puisque l'Etat n'a pas les
"moyens" de financer une politique éducative ambitieuse et coûteuse, il serait
logique d'en changer et d'en adopter une autre, moins onéreuse et plus réaliste.
Laquelle ? J'en entends murmurer une, dans la honte et la discrétion, chaque fin
d'année lors des conseils de classe. Lorsqu'on reconnaît avec gêne que tel élève
avec 3, 5 de moyenne ne peut pas "passer " , mais qu'ayant déjà doublé il ne
peut pas non plus tripler sa prestation. Qu'en faire ? C'est le moment pour
certains courageux de regarder le plafond ou le bout de leurs chaussures.
D'autres, de plus en plus nombreux, osent briser le tabou et poser les questions
qui fâchent : ces enfants que nous devons instruire ont-ils tous besoin de
connaître l'antiquité égyptienne, la structure de l'ADN, les déclinaisons
latines ou la physique quantique pour se préparer à leur vie de citoyens ?
Certains sont-ils vraiment à leur place au collège ou au lycée, où ils
s'ennuient et mettent le bronx ? Admettre cela , en multipliant le nombre de
chemins possibles, et dès 14 / 15 ans donner des choix de sortie du système
scolaire traditionnel , c'est le plus sûr moyen de ne laisser personne au bord
de la route. Créer des 6èmes adaptées, des 5èmes d'orientation , plutôt que des
enseignements individualisés à la carte. Diriger certains vers des formations
moins gourmandes en moyens , plus simples. Développer l'alternance dans les
entreprises avec des financements à repenser. Voilà , à mon sens, de quoi ne pas
alourdir la facture sans rogner sur les investissements d'avenir .
Mais veut-on vraiment sortir de ce discours sur les "moyens" ? Le quantitatif
est tellement commode, et plus porteur que le qualitatif qui nous implique
directement . Et puis , de quoi parlerait-on alors en salle des professeurs ?
Dernier point : quelles armes syndicales pouvons-nous utiliser ?
Qui croit encore, à moins d'une naïveté sans bornes, à la grévounette de 24
heures ? Et qui est capable d'organiser un arrêt de travail de plusieurs
semaines, voire de plusieurs mois ? Personne. Et pourtant on ne sort pas de ces
réponses, perinde ac cadaver .
N'avons-nous aucun autre moyen efficace de faire entendre notre voix dans ce
qu'on appelle poliment le "dialogue social " ?
Nos capacités d'imagination seraient-elles à ce point atrophiées que nul n'ait
songé à d'autres actions ? On entend murmurer des propositions… jamais suivies
d'effet. Ou au contraire sommes-nous capables d'imaginer de telles possibilités
de "nuisance" que notre propre pouvoir nous fait peur et que nous hésitons à
l'utiliser ? La grève du bac par exemple ?
Ce qui est en jeu vaut-il la peine de prendre d'énormes risques ? Ou faisons-
nous semblant ?
Je n'ai pas les réponses à ces questions, mais je ne m'interdis pas pour autant
de me les poser avec insistance.
Que voulons-nous vraiment ? Et quel prix sommes-nous prêts à le payer ?
Alors où va le syndicalisme ? Où irons-nous dans les années futures ?
- si nous sommes incapables d'exiger de notre employeur qu'il définisse les
limites de notre métier ?
- si nous mêmes ne parvenons pas à préciser et hiérarchiser nos besoins et nos
revendications ?
- si nous n'arrivons pas à nous accorder sur les modalités d'une action juste et
efficace ?
Michel AUTHEMAN
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